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Kick off meeting du cycle 2015

 

Le Cercle du leadership est légitime à aborder une question aussi centrale que la « shared value ».

Il l’est car son système même de fonctionnement est basé depuis l’origine sur la notion de partage. « Partageons nos expériences » est notre signature institutionnelle depuis longtemps et nous place en position de comprendre naturellement ce qui sous-tend  cette évolution de nos économies.

Il l’est aussi grâce à l‘origine de ses membres : hommes et  femmes en nombre identique, petites et grandes entreprises,  diversité de fonctions, et depuis cette année, diversité générationnelle. La pratique des échanges entre personnes différentes nous est familière.

C’est donc sans appréhension que abordons ce cycle 2015, sans perdre néanmoins de vue notre vocation de « défricheurs ». Si nous sommes légitimes à aborder ce thème, c’est dans la singularité que nous souhaitons le positionner.

Il ne s’agira donc pas dans ce cycle  de repenser ce qui l’a déjà été : la théorie   sur « la shared value » est déjà bien établie. Les travaux de Michaël Porter sont sur la place depuis quelques années déjà ; l’idée que l’entreprise ne peut plus se développer en s’affranchissant de son écosystème (la RSE) est largement répandue ; l’ouverture à de nouveaux modes de gouvernance de nos entreprises vers des modes d’organisation plus collaboratifs, plus coopératifs pas franchement nouvelle ; l’intuition que la chaine de partage des connaissances et des richesses est totalement remise en cause par le digital, ancrée dans la plupart des esprits…

Alors où est la singularité  possible ?

Elle l’est dans la capacité à prendre en compte simultanément tous ces facteurs réunis, car c’est leur concomitance qui est unique. La  capacité des entreprises et donc des dirigeants à absorber toutes ces données, en bloc, volontairement, en même temps et en dehors d’une réglementation contraignante, est devenue la clé.  Il s’agit donc bien d’une question de leadership.

Et sur ce thème nous avons beaucoup à comprendre, à travailler et à apporter.

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La théorie de Porter : les fondements de la création de valeur partagée

Pour les libéraux purs et durs, la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) reste une obligation imposée par l’extérieur : la société civile, les médias, les dirigeants politiques. Michael Porter, professeur de management à Harvard et l’un des consultants les plus influents des Etats-Unis, si ce n’est du monde, avait montré il y a quelques années comment une grande firme pouvait intégrer cette RSE à sa stratégie. Il va nettement plus loin, aujourd’hui, en lançant le concept de « shared value », de « valeur partagée ».

Porter constate que le capitalisme est en crise, et que les entreprises sont perçues par beaucoup comme des entités égoïstes prospérant aux dépens de leur environnement naturel et humain. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, le fait que nombre d’entre elles acceptent, de bon gré ou sous la contrainte, la notion de RSE, n’a rien arrangé, au contraire. Elles ont été accusées de reconnaître cette responsabilité vis-à-vis de leur personnel et de leur environnement par pur opportunisme et de l’utiliser surtout dans leur communication institutionnelle. Paradoxalement, elles se sont vues charger, encore plus qu’avant, de tous les échecs de la société. Si l’on ajoute l’effet destructeur de la crise, leur légitimité est tombée à un niveau historiquement bas. Cette forte détérioration de leur image a conduit les gouvernements à être encore plus attentifs aux demandes des ONG, des associations de consommateurs ou de défense de l’environnement, et à prendre des mesures qui, pour Porter, affaiblissent la compétitivité des firmes, voire, mettent en péril la croissance économique.

Intégrer la responsabilité sociale de l’entreprise à sa stratégie

Porter pense toujours que « le capitalisme est un moyen inégalé de répondre aux besoins des hommes, d’augmenter l’efficacité, de créer des emplois et de construire la richesse » Mais il propose que l’entreprise assume effectivement ses responsabilités, au-delà de la RSE, du développement durable ou de la philanthropie, et qu’elle prenne elle-même la direction des opérations.

Au lieu d’attendre d’être taxée pour ses « externalités négatives», l’entreprise devrait donc « internaliser » ces effets en se fixant, au même rang que ses autres objectifs stratégiques, des finalités en matière de bien-être des populations voisines de ses établissements, d’éducation, de protection de la nature, de développement individuel de ses salariés. Elle devrait aussi s’efforcer de créer et maintenir des emplois sur son territoire, y compris en relocalisant les activités réalisées pour elle dans des pays low cost.

Le déploiement de cette stratégie innovante passe par la prise en considération des besoins et des attentes des stakeholders (parties prenantes), ce qui suppose une coopération active avec tous les autres acteurs du territoire : fournisseurs, clients, concurrents, écoles et universités, associations et pouvoirs publics.

Pour Michael Porter, cette nouvelle stratégie n’a pas pour but unique, comme la RSE, de protéger l’environnement des agissements des entreprises. C’est une façon pour ces dernières de retrouver le respect et l’estime de la population tout en accroissant leur compétitivité : « Les entreprises peuvent créer de la valeur économique en créant de la valeur sociétale. »

La coopération entreprises/ territoires/ pouvoirs publics

Pour atteindre ces objectifs, il faut repenser l’organisation et le fonctionnement de la firme. L’un des moyens de réussir à créer de la valeur partagée est le cluster. Depuis plus de vingt ans, Porter est un observateur attentif de cette forme de développement territorial qui a fait la prospérité de l’Italie du nord sous le nom de District industriel et qui a été encouragée en France par la politique des Pôles de compétitivité puis des « grappes d’entreprises ». Des entreprises voisines y travaillent ensemble, sous toutes les formes possibles : alliance, sous-traitance, relation client-fournisseur, voire « coopétition », ce mélange délicat de coopération et de concurrence. Et surtout elles s’ouvrent sur leur territoire, menant leurs projets de recherche-développement avec des laboratoires publics et des universités, organisant les formations aux métiers qui leur sont nécessaires et participant de multiples façons à la vie de leur région.

Une majorité des pôles de compétitivité à la française vivent bien cette insertion dans le tissu local. Ils sont une bonne préfiguration du mode de fonctionnement préconisé par Michael Porter. La shared value n’est donc pas une nouveauté absolue pour les Français et plus largement pour les Européens. Mais ce qui est révolutionnaire, c’est qui parle : Michael Porter, conseiller des plus grandes firmes du monde et formateur des dirigeants et des futurs dirigeants de la plupart des multinationales, et d’où il parle : Harvard, l’université d’excellence des élites du capitalisme mondialisé. On peut être sûr que ce message ne passera pas inaperçu, et penser qu’il sera entendu par les dirigeants les plus conscients de leur intérêt.

Propos de Gérald Karsenti, Président du Cercle du leadership et de Philippe Wattier, Directeur-fondateur du Cercle  du leadership

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