Shared Value : quels leaders pour demain ?

 

La littérature sur le leadership est florissante. L’on recense des dizaines de milliers d’ouvrages sur ce sujet, tous défendant des approches différentes reposant implicitement sur des convictions plus profondes. Sans avoir la prétention d’apporter un point final à ces débats, l’étude de McKinsey se veut méticuleuse  et analytique, se proposant d’identifier quels comportements managériaux en particulier influent sur la performance de l’entreprise. Selon le PDG de General Electrics : « Nos leaders sont le plus gros levier que nous avons pour faire la différence ». Il importe donc de savoir comment actionner le levier. Grâce à 2 millions de réponses obtenues auprès d’employés et une méthodologie rigoureuse, McKinsey a pu isoler 4 comportements managériaux clés, c’est-à-dire ceux qui influent le plus sur la performance de l’entreprise. Plus précisément, ces 4 comportements expliquent 89% de la variance entre organisations à haute et faible efficacité managériale. Ils sont les suivants : résoudre efficacement les problèmes, guider l’action par l’exigence de résultats, élargir les perspectives  et favoriser l’esprit d’équipe. Pour acquérir ces capacités il n’existe aucune méthodologie a priori que pourraient contenir ces ouvrages sur le leadership : il faut d’abord mettre le leader en situation d’action, et encore mieux – car c’est là où l’on développe le mieux et le plus rapidement ses capacités – en situation contraignante, inconnue, nouvelle. Le leader apprend quand il est hors de sa zone de confort. Si toutefois une intervention s’avérait nécessaire, elle devrait prendre en compte le leader dans toute sa complexité, dans une approche que l’on pourrait qualifier de « holistique ». La manière dont un leader agit comporte des causes profondes, comme les convictions et les valeurs forgées par l’expérience passée, professionnelle ou non. Le contexte influe aussi largement sur les modalités d’expression de ces valeurs. C’est donc une vision synoptique, réticulaire qu’il faut adopter pour comprendre l’action du leader avant de pouvoir l’orienter.


Shared Value - Les leaders de demain

Shared Value - Les leaders de demain
 

Morceaux choisis

L’approche de Claudio Feser, partner chez McKinsey, s’est voulue pragmatique et scientifique. Olivier Lajous, ancien DRH de la marine, et Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson project et Women-up, lui ont offert un beau prolongement à travers des discours plus émotifs, idéalistes peut-être, donc sans chercher l’exactitude logique, sans fuir les contradictions, mais toujours avec cette volonté d’une prise sur le réel.


Shared Value - Les leaders de demain
 

  • Présentation sur le profil du leader

« La première qualité d’un leader c’est l’humour. L’humour, comme combinaison d’humilité et d’amour. Plus vous aurez d’humour, plus vous susciterez chez les autres l’envie de vivre l’aventure avec vous. » (Olivier Lajous)

« La meilleur façon de reconnaitre quelqu’un c’est de lui dire « on a besoin de toi ». Il n’y pas de tâche supérieure. Une tâche inférieure, c’est de mal faire ce que l’on a à faire. » (Olivier Lajous)

« La confiance ne se négocie pas, elle se donne. Si vous n’accordez pas votre confiance a priori, vous rentrerez alors dans le cercle vicieux de la défiance. Il ne faut pas attendre d’être sûr de pouvoir donner sa confiance pour la donner. » (Olivier Lajous)

« Pour moi, les éléments clés du leadership sont l’amour, la confiance et la reconnaissance. C’est essentiellement la capacité de quelqu’un à oser être agile et fragile, c’est-à-dire à se mettre au service et à comprendre que d’autres sont capables d’assumer le leadership, donc à partager et à s’engager. » (Olivier Lajous)

« Le sable des émotions remplace peu à peu le béton des convictions ». (Olivier Lajous)

«  On est en train de voir naître de nouveaux modèles de leadership qui reposent sur des socles de légitimité différents des attributs classiques. » (Emmanuelle Duez)

« Pour moi le mot clé serait le rêve. La dimension aspirationnelle fait défaut à de nombreuses conceptions du leadership. Notre génération ne croit plus aux superhéros, au superleader. Lorsqu’on a demandé à des jeunes bac+2 de 70 pays quel leader ils voudraient être plus tard, beaucoup on répond « just a nice guy ». Plus précisément, 3 qualités sont ressorties : l’empathie, la transparence et la fragilité. » (Emmanuelle Duez)

« La fragilité ce n’est pas une faiblesse, c’est la capacité à dire je ne sais pas, je ne sais plus, je ne sais pas faire seul. D’où la fin du mythe du superleader. Le leader n’est plus celui qui fait preuve de sa force. » (Emmanuelle Duez)

« Aujourd’hui tout est hackable, tout est piratable. Si ce qui est dit n’est pas aligné, pas congruent, alors c’est faux, c’est bullshit. La transparence appliquée au leadership, c’est que l’homme, ou la femme, ses personnalités, ses valeurs intrinsèques, ses convictions, et ce qu’il infuse dans l’entreprise, ses orientations stratégiques, ses discours, tout doit être parfaitement aligné. » (Emmanuelle Duez)

« On ne se lève pas parce que vous nous donnez un CDI. On ne se lève pas parce que vous nous donnez un salaire. On se lève parce qu’il y a supplément d’âme qui fait que ça fait sens de s’engager. » (Emmanuelle Duez)

« Quand on prend la peine d’écouter la jeune génération, on se rend qu’on compte elle n’aspire pas à autre chose que les retours aux fondamentaux du management et du leadership. » (Emmanuelle Duez)

« La jeune génération cristallise la fin d’une certaine façon non pas de concevoir mais d’accepter l’entreprise, le management et le leadership. » (Emmanuelle Duez)

 

  • Comment on forme un leader ?

« Je crois que certaines personnes portent les qualités intrinsèques pour être un leader, quand d’autres ne les porte pas. Une fois reconnu le fait que l’on a ces qualités, se présente la possibilité de les développer ou pas. Et la meilleure manière de les développer, c’est l’action. C’est de s’en prendre plein la figure, de se relever, puis de comprendre. » (Emmanuelle Duez)

 «J’ai vraiment admiré les leaders que j’ai eu l’occasion de rencontrer à la marine. Là-bas le leader n’a pas d’autre choix que d’être un bon leader, qui porte ses hommes. Pour moi un bon leader, c’est celui qui a la capacité à inspirer les autres, à les rendre admiratifs. » (Emmanuelle Duez)

« On est dans une société où l’on note tout. Le TripAdvisor des entreprises est en cours d’élaboration, elles seront donc elles aussi notées. En venant j’ai noté mon chauffeur Uber qui m’a à son tour notée. C’est à mon sens très vertueux. Je me demande si dans quelques années, le leader ne sera pas ça : celui qui émerge grâce à une évidence permise par cette notation à 360 degrés. On note tout ; la société de consommation veut ça, la société tout court veut ça. Mais ce que je dis n’est pas péjoratif, on dépasse ici la question des valeurs. Le leader de demain, c’est le leader 5/5, qui s’imposera naturellement après avoir été noté 5 étoiles par ses pairs, ses managés, ses managers. Le leadership de demain, c’est l’Uber du leadership. » (Emmanuelle Duez)


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  • Le leadership partagé

« Le leader, c’est celui qui aura compris une fois pour toutes qu’il faut sortir des postures, arrêter de croire qu’on peut tout piloter. Plus on est haut, plus on est au service. » (Olivier Lajous)

« S’il n’y a pas une règle du jeu, claire et reconnue par tous, c’est l’enfer. Mais la règle doit être légère, partagée. Oui il faut quelqu’un en qui on se reconnait, mais en qui on se reconnait à un instant donné. La grande force de la marine, c’est que les commandants comme les amiraux le sont pour une mission, un temps limité. C’est comme un vol d’oiseau migrateur : un oiseau décide du cap et se place en tête du V jusqu’à ce que la fatigue l’emporte et qu’il laisse sa place à un autre. En entreprise, quand une personne a le temps, la motivation et se sent la capacité à mener une mission, elle doit pouvoir le faire. Au lieu d’un leadership partagé, nous avons besoin d’un leadership interchangeable, projet par projet. Les patrons irremplaçables sont dangereux pour l’entreprise comme pour eux-mêmes. » (Olivier Lajous)

« On peut avoir la capacité intellectuelle de se dire qu’on est en phase avec ce monde qui change, et pour autant, à titre individuel, comprendre qu’on a pas d’intérêt à ce que les choses changent tout de suite » (Emmanuelle Duez).

« Qui a dirigé Microsoft l’an dernier ? Etait-ce Gates ou Ballmer ? Qui a dirigé S&P ? Et la Deutsche Bank ? Le leadership partagé est déjà largement pratiqué, et pas seulement par des start-ups innovantes. On a tendance à mystifier les leaders lorsqu’on n’a pas accès à la réalité de leur action. En pratique ils n’agissent jamais seuls, ils interagissent avec une, deux ou plusieurs personnes pour prendre leur décision, et dans des modalités chaque fois différentes. Il ne faut pas confondre le titre et la fonction réelle. » (Claudio Feser).

Propos recueillis par Clément Berardi, Julien Eymeri et Louis Gall

http://www.choisirquartierlibre.com/

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