Pascal BaumgartenLes chiffres sont sans appel : alors que la France figurait dans le peloton de tête de l’Union européenne jusque dans les années 90, elle a chuté au 11e rang pour le PIB par habitant, indicateur le plus représentatif de la richesse nationale. Si la productivité individuelle des travailleurs français est en moyenne supérieure à celle des pays voisins, leur taux d’activité est nettement plus faible, combinaison d’un taux de chômage plus élevé et d’une moindre participation au marché de l’emploi des jeunes et des seniors.

De multiples freins existent dans notre pays à la création d’emplois durables. L’un des plus frustrants est l’écart des compétences entre les besoins des entreprises d’une part et les talents disponibles de l’autre. Manifeste depuis plusieurs années dans un certain nombre de professions « sous tension » (sans que cela se soit forcément accompagné d’une prise de conscience par tous les acteurs concernés), il est appelé à s’amplifier. Une modélisation du McKinsey Global Institute présage ainsi qu’à horizon 2020, en intégrant aux prévisions une reprise forte de la croissance, il pourrait manquer en France 2,2 millions de diplômés du supérieur, et dans le même temps, 2,3 millions d’emplois peu qualifiés pour les actifs non bacheliers. La transition vers l’économie de la connaissance accentue la recherche d’expertises pointues, notamment mathématiques et techniques, ainsi que de généralistes de haut niveau destinés à des fonctions de management.

Face à ces enjeux, une large majorité de DRH s’accorde sur la nécessité de faire évoluer l’enseignement supérieur : une meilleure orientation des étudiants vers les filières à fort potentiel, un développement de l’apprentissage comme passerelle entre mondes de l’enseignement et de l’entreprise, une plus grande attention apportée à l’acquisition de compétences de « savoir-être » plutôt que de « savoir-faire », ou encore l’ouverture internationale sont fréquemment cités comme des axes prioritaires.

Mais, dans un environnement économique extrêmement mouvant, il ne faut pas attendre des formations initiales qu’elles résolvent tous les problèmes. Les entreprises elles-mêmes doivent jouer un rôle de premier plan pour cultiver le capital humain.

Elles ont pour cela de nombreux atouts : elles disposent de la vision la plus précise des savoir-faire et savoir-être nécessaires à leur activité, elles abritent en leur sein les talents qui ne demandent souvent qu’à transmettre leurs compétences, et elles peuvent s’appuyer sur de nombreuses innovations en termes de pédagogie (notamment le e-learning). La responsabilité sociétale s’est faite une place dans les projets de beaucoup de nos entreprises ; nous les encourageons maintenant à revisiter l’impact qu’elles peuvent avoir sur l’écart des ressources dans les bassins d’emploi où elles opèrent, par une anticipation des besoins qui dépasse le cadre traditionnel de la GPEC, par une construction de partenariats avec des organismes de formation, et par le développement de parcours de formation innovants.

Beaucoup de dirigeants partageant cette conviction font part de leur difficulté à investir de façon conséquente dans le capital humain dans un contexte de marges très faibles, où chacun fait la « chasse aux coûts ». Si les aides financières existent, un vrai travail de simplification est nécessaire pour que ceux qui ont le plus besoin de formation, puissent y accéder. Les branches professionnelles ont aussi un rôle à jouer pour mutualiser des investissements de long terme que chaque acteur pris individuellement ne peut financer.

Pascal Baumgarten – Juillet 2013

 

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