Pierre Lebleu DRH HSBC France

Directeur des Ressources Humaines de HSBC France

Pierre Lebleu est le Nouveau Directeur des Ressources Humaines de HSBC France. Il a bien voulu revenir sur quelques uns des points qui ont été évoqués lors du débat mené par le Cercle du leadership sur le « leadership à l’épreuve de de la crise * ».


Le Cercle du leadership : Au cours de ce débat Pierre grudjian notre orateur a rappelé ce qui avait permis à travers le temps aux grandes institutions de traverser efficacement les grandes crises. Il a évoqué l’intégrité morale des dirigeants, la nécessité de procéder par inclusion et l’impératif de la cohésion sociale.

Si l’on reprend tour à tour ces trois points, quelle est tout d’abord l’idée que vous vous faites de l’intégrité morale du dirigeant. On voit bien qu’actuellement ce sujet est au centre de beaucoup de discussions pour ne pas dire de polémiques.

Pierre Lebleu : L’intégrité n’est pas une compétence managériale relative sur laquelle chaque dirigeant aurait ses points de force ou de faiblesse, c’est une exigence absolue et l’un des fondements de toute forme de saine gouvernance. On ne devient pas intègre moralement, on l’est par nature, par état d’esprit.

Une organisation, une entreprise peuvent de leur côté, par volonté politique, mettre l’intégrité au devant de leurs préoccupations de gouvernance et mettre en place les contrôles internes qui réduisent la probabilité d’occurrence de comportements en décalage, mais sur le plan individuel le formatage des dirigeants en la matière intervient très tôt dans la vie.

J’imagine avec difficulté une formation de dirigeants « à l’intégrité morale »…

Cela étant posé, l’intégrité est par essence l’attachement au respect d’une norme donnée, et cette norme peut varier culturellement, nous le savons tous. Ce qui est toléré dans certaines cultures sera banni, y compris par la loi dans d’autres. C’est tout l’intérêt de la formalisation de règles internationales de saine gouvernance d’entreprise, comme en a proposé l’OCDE au début des années 2000.

Les débats actuels sur le manque supposé d’intégrité d’un petit nombre de dirigeants en matière de rémunération est à mes yeux un arbre qui cache une forêt de bonnes pratiques dans la très grande majorité des entreprises, quelle que soit leur taille.

 

Le Cdl : Procéder par inclusion  c’est à dire accepter d’inclure dans le management supérieur, des personnes ou des profils qui n’y ont aujourd’hui qu’un accès limité en raison de leurs origines, de leur formation ou de leur sexe, que cela signifie-t-il pour un groupe comme le vôtre ?

Pierre Lebleu : HSBC, mondialement, a depuis de nombreuses années mis en avant son attachement à un maximum de diversité à tous les niveaux hiérarchiques. Le monde bancaire a ses traditions en France, en particulier en matière de formation, et j’ai eu le plaisir de constater en prenant mes fonctions chez HSBC en janvier 2009 que la diversité était beaucoup plus importante, y compris parmi les dirigeants, qu’elle ne l’était dans d’autres établissements du secteur.

Nous faisons tester régulièrement notre procédure de recrutement, par la méthode dite du « blind hire », et avec l’aide d’un cabinet extérieur pour vérifier la solidité de notre politique d’égalité de traitement et d’absence de discrimination.

En 2007, par exemple, nous avions grâce à ce dispositif noté des améliorations à apporter vis-àvis du recrutement des seniors. Les photos ont été supprimées de notre site de candidature internet, et nous sommes très présents dans les actions que mènent plusieurs institutions comme IMS.

L’un de mes premiers rendez-vous en janvier 2009 a été avec un jeune étudiant de Sciences-Po, issu d’un quartier défavorisé de la banlieue lyonnaise et que je parrainerai pendant plus d’un an pour faciliter son entrée dans le monde du travail à un niveau qui corresponde à sa qualification.

En matière de recrutement, nous avons clairement indiqué dans notre stratégie générale Ressources Humaines notre attachement au talent et à la compétence plus qu’aux réalisations universitaires et aux diplômes. Un groupe comme HSBC ne se construit pas sur autre chose que du talent et de la vraie compétence.

 

Le Cdl : A propos de la cohésion sociale enfin, quelles sont les actions qu’un dirigeant doit mettre en oeuvre pour ne pas briser ce lien aujourd’hui malmené, tout en assurant la compétitivité de son entreprise ?

Pierre Lebleu : La cohésion sociale au sein de groupes comme les nôtres passe prioritairement par le rassemblement des salariés autour de valeurs fortes dans lesquelles chacun est à-même de s’identifier.

Il s’agit en réalité de créer une identité commune au-delà des différences de métiers, d’origine, de niveaux hiérarchiques, de sexe, de culture. Les grands leaders de notre époque ont tous réussi, de mon point de vue, cet exercice de rassemblement, de fédération autour de quelque chose qui rend singulière l’entreprise dont ils ont la responsabilité. HSBC a, par exemple, un positionnement stratégique – the world’s local bank – qui la singularise de plus en plus dans le monde bancaire et auquel les salariés commencent à s’attacher.

C’est un travail de longue haleine, directement lié à la qualité du leadership ambiant. Diriger une entreprise, c’est aussi créer un lien assez puissant avec ses salariés pour qu’il soient en mesure de comprendre, à défaut de les applaudir, les décisions difficiles qu’il est parfois nécessaire de prendre pour en assurer la pérennité.

 

Le Cdl : D’une manière générale quel est le point qui vous paraît déterminant pour traverser le mieux possible cette période inédite de crise, notamment dans le secteur bancaire qui est le vôtre.

Pierre Lebleu : Dans une période où tous les repères semblent se désagréger l’un après l’autre, je crois qu’il faut surtout faire preuve d’humilité au quotidien, savoir remettre en question ses certitudes d’hier pour avoir une chance de participer à la construction des solutions de demain.

Il faut également cultiver la confiance que l’on a pu établir avec ses salariés, leur dire la vérité à tout moment et leur rappeler que toutes les crises du passé ont été digérées par les hommes qui les ont précédés – avec parfois du sang et des larmes – mais aussi à grand renfort d’énergie et de passion.

C’est dans l’épreuve que le leadership prend tout son sens et peut faire la différence. Cette remarque simple s’applique également au monde politique.

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* Lisez le compte rendu de notre dîner-débat sur «Le Leadership à l’épreuve de la crise »…