François Eyssette

Si le thème qui servira de fil conducteur  à nos travaux de l’année 2013 a fait à ce point l’unanimité parmi les partenaires du Cercle, c’est que d’une manière certaine tout le monde éprouve aujourd’hui le sentiment d’un chaos. Ce sentiment est exacerbé depuis une dizaine d’années, c’est une des caractéristiques de notre siècle naissant.

Ce sentiment est provoqué par des causes diverses.  Certaines sont bien entendu inhérentes à l’Homme -c’est l’affaire du psychanalyste que de nous éclairer sur ce point-, mais d’autres sont incontestablement exogènes et trouvent leur racines dans notre environnement, sinon pourquoi assisterions-nous à cette formidable accélération du phénomène ?

Les causes exogènes de ce malaise,  de cette souffrance, sont à peu près clairement identifiées, même si elles sont différentes pour chacun d’entre nous ; elles résultent principalement des fortes évolutions du modèle de société auquel nous avons été préparées.  Du coup, le sentiment que les choses nous échappent constitue une réelle cause de malaise. Cela est vrai de la course inexorable des nouvelles technologies ;  de l’émergence de nouveaux pays qui représentent autant de nouveaux défis pour nos sociétés ; des évolutions démographiques qui bouleversent de savants équilibres ; de la détérioration continue de l’environnement ; enfin, de l’éclatement des principaux piliers de nos sociétés : la famille, l’éducation, l’Etat… des Institutions en général.

Le temps, l’espace et l’incertain.

Certes ces phénomènes sont en germe depuis le début de l’ère moderne de l’industrialisation,  mais leur accélération est récente et foudroyante. Elle semble due à trois facteurs principaux : le temps, l’espace et l’incertain…

Le temps est devenu un luxe que plus personne, en responsabilité, ne peut s’offrir. Nous vivons à l’ère du « World 3’ ». Le monde est connecté, chaque question appelle une réponse immédiate. La  technologie le permet : les consommateurs, les salariés, les citoyens, tous devenus internautes,  l’exigent.  Ce facteur rend  obsolète la prise de recul et de réflexion auxquelles nous étions familiarisés. Elle appelle des reflexes et un mode de pensée différents. L’accélération du temps fait de nous des êtres « fragmentés ».

L’espace s’est réduit. Pire, l’unité de lieu n’existe plus.  On peut travailler à distance, on peut travailler chez soi, on peut amener ses loisirs au bureau. « Work at home » ou “home at work”, on en attrape le tournis. La frontière entre vie professionnelle et  vie privée est totalement poreuse. Le village mondial ne dort pas.  Un tsunami au Japon provoque une rupture de la chaine automobile en Europe. Les frontières disparaissent ;  flux migratoires sont incessants, 300 millions d’habitants migrent tous les ans ; nos enfants étudient à l’étranger et souvent y restent.  Cette réduction  de l’espace fait de nous des êtres « écartelés »

L’incertain devient la seule… certitude. Les modèles de référence n’existent plus ou deviennent obsolètes aussitôt qu’ils apparaissent. Dans les années 60, on allait chercher des réponses en lisant Peter Drucker ou en s’inspirant du modèle Japonais ; la fin du siècle dernier a consacré l’efficacité des modèles anglo-saxons ;  … Quel est le modèle de référence de ce début de siècle… ? Cette absence de repères fait de nous des êtres « déboussolés ».

 L’Homme, blanc,  dominant,  n’apportera pas la réponse, seul !

La réaction dominante des populations face à ces nouveaux paradigmes est radicale. Elle se traduit  par une perte de confiance  dans ceux qui nous gouvernent.  36 % des français  seulement font confiance à leurs dirigeants d’entreprise. Ils sont encore moins à faire confiance à leurs Institutions Publiques.  Ces chiffres sont en baisse constante de plus de 10 points en dix ans.

Parallèlement,  l’Occident est en perte de vitesse et d’influence. Son poids dans le monde est en recul constat. Le PIB de la zone Euro passera de 17 % à moins de 10% du  PIB mondial d’ici 2030  (OCDE). Dans le même intervalle, la Chine sera la première puissance mondiale et L’Inde, le pays le plus peuplé.

Alors si le dirigeant blanc, occidental, généralement de sexe masculin, perd la confiance de ses concitoyens ou de ses salariés et perd son influence dans le monde, qui va répondre aux attentes légitimes de ceux qu’il gouverne ou dirige ?

A l’évidence il n’apportera pas la réponse, seul !

Pour autant des réponses existent, mais elles ne seront pas le fruit de cogitations in vitro ;  Il n’existe pas « one best way ». Ces solutions ne sortiront plus d’HEC ou de Harvard… Ces réponses sont multiples. Elles résulteront du croisement des identités et des cultures ; elles seront des partages d’expériences et d’opportunités.

Ce n’est pas une crise passagère à laquelle nous sommes confrontés,  mais bel et bien à l’émergence d’un nouveau monde, d’un nouvel Homme. Jamais sans doute dans son histoire l’homme n’a été confronté à un changement aussi radical de son environnement (Rapport du National Intelligence  Council,  global trends).

Pour y faire face il devra puiser des réponses en lui par un effort accru et par une reconquête de lui-même -son chaos intérieur peut alors devenir une source de rédemption-, mais il devra aussi les chercher et les expérimenter avec les autres, tous les autres, y compris et surtout avec ceux qui sont les plus différents de lui.

 

François Eyssette est Conseil auprès de hauts dirigeants et ancien DRH au sein de sociétés multi nationales. Il est partenaire du Cercle du leadership

 

 

Février 2013

 

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