Didier PiteletIl est aisé et si souvent répété, de constater la perte d’influence  de la fonction RH en une vingtaine d’années. Les causes sont connues de  tous : hyper financiarisation des entreprises, défaillance business des  formations au profit d’un endoctrinement juridico-social, renforcement  d’un modèle de managers « Killer », décrépitude du dialogue social…

Résultat,  une crise de défiance sans précédent à l’égard de cette fonction piégée  par des clichés historiques de comptable de la masse salariale ou  encore de bras armé de la direction financière. Le tout avec, pour toile  de fond, un mal être sans précédent dans les entreprises qui leur est  souvent imputé !

Cette profession, car c’en est une au  sens de l’expertise, est aujourd’hui à un tournant historique de sa  raison d’être, l’épreuve du miroir. « L’homme qui ne veut regarder le  miroir ne peut espérer le traverser » écrivait Kipling ; en vingt ans,  elle s’est laissée piéger par les artifices des concepts – comme le  fameux business partner qui l’a tenue à l’écart du business – sans  jamais gagner une légitimité sur les combats du sens et du « Vivre  Ensemble » à l’exception de certaines personnalités qui se reconnaîtront  d’elles-mêmes bien sûr.

Il est temps de s’élever  contre ce procès en sorcellerie qui veut faire des DRH les boucs  émissaires de tous les maux humains de l’entreprise.

L’EFFET  BOOMERANG DE L’ASSUJETISSEMENT AU DOGME FINANCIER SERA TERRIBLE DANS  LES ANNEES A VENIR avec les nouvelles générations en particulier ; au  moment où nous vivons un changement de civilisation sans précédent avec  l’émergence de nouveaux Etres Humains – les Z ou encore les Mutants – il  est effrayant de constater l’aveuglement de la plupart des dirigeants  de grands Groupes face à ces défis purement sociologiques et  anthropologiques. De plus, il est tout aussi effrayant de constater que  ces mêmes dirigeants n’attendent de leur DRH que la maîtrise de la masse  salariale et des syndicats, saupoudrée de temps en temps de sujets  « tendances » comme la diversité ou autre RSE !

La grande entreprise d’aujourd’hui, de surcroît cotée, n’a plus de boussole humaine !

En  2009, dans « Boussole par temps de brume », Hervé Serieyx soulignait  les difficultés des dirigeants à gouverner face aux incertitudes des  lendemains et insistait sur des manifestations de stress et de violence  en entreprise liées à trois facteurs : l’incertitude qui crée le repli  sur soi, la flexibilité permanente qui engendre la précarité, les 35  heures qui ont supprimé le temps de la relation, le manque de  considération vis-à-vis des ainés et le meilleur niveau des formations  des jeunes qui accentue le fossé digitale avec les plus âgés. De plus,  je rajouterai volontiers la courte vue des marchés qui, sous prétexte de  rentabilité à court terme, bannissent de leurs référentiels toutes  notions de long terme et de capital humain.

Dès lors  qui, dans un comité de direction, est le mieux placé pour décoder ces  évolutions humaines, les anticiper, les challenger ? Qui est le mieux  placé pour faire de l’entreprise un lieu apprenant, tolérant,  collégial ? Qui est enfin le mieux placé pour faire du dirigeant un  LEADER HUMAIN reconnu de tous ? Le financier, le marqueteur, le  communicant, l’industrieux, le commercial ou le DRH ?

Pour relever les défis d’une nouvelle humanité en entreprise, plusieurs facteurs doivent être réunis :

Du coté des directions générales :

–   Comprendre que le pendant de leur performance économique n’est en rien  le ratio de la masse salariale sur le chiffre d’affaires mais bien sa  capacité à mobiliser et faire de sa vision un projet collectif. Les  vrais chefs se mesurent à l’aune de l’attachement de leurs troupes.

–  Donner de l’air à leur DRH en leur permettant d’être à l’écoute du  monde et non des égos qui polluent le « Vivre Ensemble ». Libérer la  créativité des DRH est vital pour l’avenir, tant les réponses   mécaniques d’hier n’apportent aucune réponse aux défis de demain.

–  Faire de leur DRH leur égal sur les questions de management pour  trouver la voie d’un équilibre dont la confiance serait le moteur.

–  Elever la culture de leur entreprise en premier actif de leur bilan en  assumant la conscience humaine de la communauté humaine qu’il dirige.

Du coté des DRH :

–  Investir le terrain des métiers de l’entreprise, non pas par un  quelconque référentiel métiers mais par le vécu du quotidien. Le DRH du  futur sera l’antithèse d’un bureaucrate, sa vie sera sur le terrain.

–  S’engager dans le business au même titre que toutes les fonctions  opérationnelles pour développer une posture d’alter ego avec toutes les  fonctions d’un comité de direction. La culture clients/produits sera la  distinction de la valeur ajoutée de la fonction. Les DRH sont les  premiers ambassadeurs de la Marque, garants de l’engagement et de  l’adhésion du corps social, véritable étalon de leur efficacité.

–  Avoir le courage d’une opposition constructive au profit d’une vision  prospective de l’humain et d’un leadership d’opinion assumé en interne  comme en externe.

– Faire Du Corporate Humain un enjeu non pas RH  mais de gouvernance en rendant comptable de ses engagements les  directions générales.

– Réhabiliter les verbes aimer, accompagner,  écouter dans la dialectique managériale et se débarrasser une bonne  fois pour toute de ce boulet identitaire de « ressources humaines » au  profit de relations humaines. Les mots ont du sens.

Du coté des managers :

–  Sortir du cliché social /sanction de la vision classique des DRH au  profit d’un contributeur de sens, créateur de solutions de performance  au nom de la Marque de l’entreprise.

– Devenir les garants de la vision humaine de l’entreprise et non uniquement du ROI de leur mission.

LES  DRH SONT EN EFFET L’AVENIR DE LA GOUVERNANCE, puisqu’eux seuls sont  censés avoir comme postulat de leur mission le goût des autres ; non  pas qu’il leur soit exclusif et que les autres fonctions en soient  dénuées mais est-il possible de s’engager dans cette filière métiers  sans aimer l’humain ?

Le chantier de l’humain est bien  plus important que les défis technologiques dont il est question  partout. Par définition, point de transformation sans accompagnement,  point de créativité sans liberté, point de confiance sans transparence…  Nous sommes loin d’idiomes comptables !

La bataille de  l’humain dans l’entreprise du XXIème siècle ne fait que commencer et n’a  rien à voir avec ce que nous avons pu vivre dans les décennies  passées : soit la banalisation de la déshumanisation ambiante est  acceptée, soit le combat en son âme et conscience est lancé. Faisons  attention aux modèles copiés collés que certains cherchent à transposer  comme référence absolue du type Google ou autre startup de la Silicon  Valley. Chaque entreprise a par définition son ADN, sa Marque, sa raison  d’être. Charge à chacune d’assumer son exclusivité humaine.

Un  jour, un ami Président d’un grand groupe de restauration répondait à un  journaliste qui le questionnait sur «  comment peut-on manager des  milliers de salariés ? », «  en les aimant tout simplement ! ». Il n’est  pas étonnant que ce leader aime présenter sa DRH comme la Directrice du  bonheur…

Et si les DRH étaient les DG de demain ?

Le « Vivre Ensemble » serait-il meilleur ? L’avenir nous le dira.

 

Source : moonsfactory.fr

 

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