Cycle Mama Shelter

« Résilience des leaders : réinventer son industrie »

Invité d’honneur

Serge Trigano

Serge TriganoL’aventure du Club Méditerranée (personne n’aurait songé à l’époque à dire Club Med’) commence au début des années 50. Deux hommes, Gilbert Trigano, bercé de nostalgie méditerranéenne, qui vend alors du matériel de camping et Gérard Blitz, un ancien champion de water polo, idéaliste et charismatique, ont l’idée de proposer aux français un nouveau mode de vacances alliant le rêve des plus belles destinations et la fraternité des relations humaines … Un projet presque social en quelque sorte. ! Un nouveau concept de vacances en tous cas, né de cet appétit de vie et de partage après les années sombres de la guerre.

Concilier l’utopie et le monde capitaliste.

Ce désir de concilier en permanence l’utopie et le monde capitaliste durera au mois pendant les deux premières décennies du Club. Chacun vient y retrouver son innocence dans cette Méditerranée flamboyante. Les GO entretiennent l’illusion. Les membres, les GM, abandonnent le porte monnaie pour le collier de billes… les tables de huit deviennent le lieu de rassemblement de cette communauté qui vient chercher le paradis perdu.

Mais la mondialisation passera par là. L’esprit originel s’étiolera peu à peu. Le Club s’exporte aux Etats Unis. Son modèle doit s’adapter à une nouvelle exigence. Il est copié avec, il est vrai, beaucoup moins de poésie.  Serge Trigano a depuis longtemps succédé à son Père, Gilbert, lorsque les nouveaux actionnaires du Club qui ne partagent plus philosophie originel débarquent la tribu « Trigano »  Nous sommes en 1997.

«  So what ? »

Treize ans après ces évènements, Serge Trigano avoue encore aujourd’hui avec beaucoup d’émotion que son éviction du Club -la société de sa famille- par les nouveaux actionnaires lui a causé une profonde blessure affective. Il traverse alors une réelle période d’abattement, puis part aux Etas Unis… là, il rencontre des personnes qui le remettent en selle : « tu as été débarqué par tes actionnaires, oui et alors ? So what ? Ca nous arrive tous. Il faut repartir… regarder devant. Tu as inventé un concept de vacances, tu es donc à nouveau capable de réinventer quelque chose. »

Ainsi lui parlent ses amis Américains.

Mama Shelter

Réinventer son Industrie

Cette capacité  de rebond -qu’on appelle la résilience- repose pour Serge Trigano sur quelques principes simples :

  • Avoir le ressort psychologique pour repartir
  • Ne pas renier ses convictions.
  • Capitaliser sur son savoir-faire
  • Ne pas reproduire, mais réinventer.

Le ressort psychologique, Serge le trouve chez ses amis américains, toujours prompts à positiver en toutes circonstances. Mais il le puise aussi dans son atavisme familial. La tribu « Trigano » ne peut se laisser abattre aussi facilement. C’est d’ailleurs avec ses fils qu’il poursuivra l’aventure.

Les convictions -on le sent en écoutant Serge- sont toujours en place. Le ton est posé, le verbe simple, la gentillesse est la sensibilité sont à fleur de peau, l’envie de faire partager est tenace. Serge Trigano est aux antipodes de ces patrons désensibilisés et désincarnés qui dominent l économie actuelle.

Le savoir-faire est intact : Serge Trigano est un hôtelier il connaît les recettes qui font la réussite de cette industrie comme personne. Il sait l’importance de l’esprit de service ;  il connaît les désirs des clients ;  il sait comment « marger » son activité.

C’est donc sur ces bases et cette expérience qu’il construira son nouveau modèle d’hôtellerie.

Enfin, réinventer est presqu’une seconde nature pour un « Trigano ». Serge anticipe et comprend les évolutions du tourisme et du voyage d’affaires. Depuis 2001, les crises successives ont modifié les comportements des voyageurs. On veut voyager moins longtemps, plus authentiquement et  moins cher.

Il y a certainement un modèle qui répond à cela !

Un nouveau concept de tourisme est né : l’hôtellerie urbaine.

D’un côté  il y a des entreprises qui ne peuvent plus se permettre d’offrir à  leurs cadres supérieurs le haut de gamme de l’hôtellerie de luxe des grandes métropoles. De l’autre il y a des touristes qui veulent redécouvrir les villes, sans tomber dans l’hôtellerie standardisée des grandes chaînes internationales. Un nouveau concept d’hôtellerie urbaine peut naître de cette double exigence.

La cuisine de maman !

Les ingrédients de la réussite ne tardent pas à s’imposer :

  • Offrir le cocon, l’abri, le refuge, (le « shelter ») que réclame cette clientèle nouvelle et qui contraste avec l’uniformité des hôtels de chaîne.  Toute l’énergie sera mise sur la décoration intérieure.
  • Sortir des quartiers aseptisés des grandes villes pour découvrir des endroits décalés, en friche, ou en devenir.
  • Tout miser sur le confort d’une bonne literie et sur la mise à disposition d’une bonne cuisine : la cuisine de maman (« mama »)
  • Enfin, nerf de la guerre, réduire les coûts de distribution, en évitant les commissions des tours operators et les coûts fonciers, en misant sur des quartiers « moins chers »..

Le Mama Shelter est né !

« Bicyclettes et Bentley ».

Le Mama n’est pas un lieu de segmentation. Les bobos côtoient les cadres supérieurs étrangers, arrivés en 20’ de Roissy. Les habitants du quartier viennent consommer une pizza à 3 euros, tandis que les noctambules huppés viennent commencer la nuit. Quelques très belles personnes participent du spectacle. Les tables de huit, où l’on s’assied à douze, favorisent les rapprochements, tandis que l’un des convives se dévoue pour servir chacun d’un peu de cette cuisine goûteuse, fumante et humante qui mijote encore dans les marmites posées en milieu de table.

Le personnel est parfois maladroit, mais souriant On attend parfois entre les plats, mais dans les délices d’une conversation. Alors que demander de plus ?

Qu’ils soient venus en bicyclette ou en Bentley, chacun prend plaisir à être là. Philippe Starck pour la décoration, Alain Senderens pour la cuisine… On peut dire que Serge a inventé un nouveau concept :   low cost, high Value !

Singularité  et diversité !

Qu’il nous soit permis – nous, Cercle du leadership-  de tirer quelques enseignements utiles de cette soirée expérientielle à sa manière.  Bruno Luc Banton (1), notre dernier invité d’honneur ne nous disait-il pas encore récemment que le leader était avant tout un être singulier,  c’est-à-dire à la fois étrange et unique.

Serge et son « Mama » entrent incontestablement dans cette catégorie. Serge est un leader parce qu’il est inventif et parce qu’il sait transmettre son énergie à ses employés.

Mais tous nos invités, depuis plus d’un an, nous ont aussi vanté les mérites de l’inclusion, de la diversité, de l’ouverture aux autres, comme facteur de progrès. Là encore « le Mama » représente un bon exemple de ce qu’on peut réussir dans ce domaine.

Qu’il nous soit permis, enfin, de remercier ceux qui savent garder leur âme dans les différentes circonstances de la vie : Serge Trigano bien sûr, mais aussi Laurent Choain qui a imaginé et organisé cette rencontre pour notre plus grand plaisir.

Philippe Wattier

  1. Bruno Luc Banton : conférence du 29 Mars 2010 : « et votre propre leadership ! »  Lire le compte rendu…

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