Écrit par Gilles Dacquet

expert en management des talents

Le 22 février 2011 pour le Cercle du Leadership

Que s’est-il passé de 2008 à maintenant ? En tant que dirigeant, le champ de vision s’est réduit par nécessité aux urgences pour trouver des solutions de sortie de crise et maintenir nos ratios financiers au dessus de la ligne de flottaison. L’énergie de certains s’est ainsi concentrée sur le court terme laissant le management des talents de coté, alors que ce domaine reste une priorité pour assurer une croissance pérenne.

Pourtant ! Les besoins sont encore plus importants et complexes qu’avant la crise.

  • Quels profils de dirigeant dois-je promouvoir ou recruter pour remplacer en partie les personnes qui partent à la retraite ?
  • Comment intégrer l’évolution géopolitique dans le management des talents ?
  • Sur qui puis-je compter pour exécuter efficacement la stratégie du groupe ?
  • Qui a la capacité pour faciliter l’intégration des nouvelles acquisitions ?
  • Quels sont les dirigeants et futurs dirigeants capables de naviguer dans une organisation 2.0 en réseau plus complexe et en permanente recomposition?
  • Qui sont les leaders dans nos filiales en Chine, au Brésil, en Inde capables de surfer sur la croissance avec les exigences d’un grand groupe mondial ?
  • Comment assurer une diversité dans nos équipes de direction propice à une plus grande agilité intellectuelle nous permettant de nous adapter plus rapidement ?

Quelques entreprises ont compris l’importance de ces questions et du management des talents comme élément différenciateur et compétitif en sortie de crise. Nous observons dans le deuxième semestre 2010 un redémarrage d’activité dans les programmes de développement des leaders et des hauts-potentiels. Est-ce suffisant pour être prêt et faire la différence en 2011 et 2012 ?

Comment en tant que dirigeant d’entreprise pouvons-nous servir de levier pour un management des talents efficace ?

Voici 7 idées concrètes à explorer avec votre équipe de direction :

  1. Se rendre visible sur le sujet du management des talents.
  2. Faire converger le management des talents avec la stratégie.
  3. Revoir le contenu des différents viviers de talents pour répondre aux priorités stratégiques.
  4. Fixer à nouveau clairement les périmètres de responsabilités et l’articulation filiales/groupe concernant le management des talents : identification, développement et déploiement.
  5. Challenger nos équipes sur la différence entre performance, potentiel et maturité pour un poste.
  6. Réactualiser l’outil informatique pour avoir les bonnes informations.
  7. Se réinvestir personnellement dans le développement des talents.

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1. Se rendre visible sur le sujet du management des talents

Combien de stratégies sont mises à mal par les difficultés liées à leur exécution, surtout dans un contexte économique difficile. Si l’on y regarde de plus près, c’est souvent lié à la capacité à positionner les personnes adéquates au bon endroit et au bon moment. Nous y consacrons d’ailleurs une part importante de notre temps sans atteindre les résultats escomptés. C’est frustrant.

Pourtant, la crise nous a démontré que le management de nos actifs « humains » est tout aussi important que le management de nos actifs « financiers » ou que le portefeuille de nos « activités » dans le cadre de notre stratégie. Il a fallu faire des choix. C’est encore plus important au moment de la reprise. Alors pourquoi constatons-nous encore un manque de performance des équipes de direction sur un sujet aussi stratégique ?

J’ai observé personnellement que toutes les entreprises performantes avaient une équipe de direction fortement impliquée sur le management des talents avec des objectifs concrets au niveau du comité de direction et au niveau de chaque dirigeant. De nombreux DRH l’expriment : sans implication direct et visible du numéro 1 et de son équipe sur ce domaine, tout investissement qui s’y rapporte perd fortement de sa valeur. Lorsque le management des talents est traité efficacement, la visibilité externe du dirigeant sur ce sujet renforce la « marque employeur » de l’entreprise et son attractivité pour les talents externes.

Deux questions à se poser :

Les collaborateurs de notre entreprise positionneraient-ils le « management des talents » dans l’une de nos 5 priorités ? Dans quelle mesure pourraient-ils dire que le Top Management de l’entreprise est efficace dans le management des talents de l’entreprise ?

Quelques points à vérifier avec votre équipe de direction :

  • Inscrire ou réinscrire régulièrement à l’ordre du jour des réunions du comité de direction le sujet du management des talents et vérifier avec son équipe s’il est en adéquation avec les priorités business et que l’équipe progresse sur ce sujet.
  • S’assurer que les acteurs sur le management des talents soient concentrés sur les résultats et leur impact sur la capacité à accélérer la reprise ; et pas uniquement le processus.
  • Vérifier que les rôles et responsabilités soient à nouveau clairement définis avec des critères de mesure et que le management des talents irrigue bien l’ensemble de l’entreprise.
  • Mettre en place les actions pour que les talents ne soient pas bloqués au niveau des filiales ou des lignes métiers et fluidifier les mobilités inter-filiales.
  • Dynamiser le management des talents en communicant soi-même sur le sujet en cohérence avec ses actions.
  • Comprendre et faire comprendre également qu’il existe une part intangible dans le management des talents, à savoir la connaissance « intime » des personnes et les réseaux transversaux (voir externes à l’entreprise) qui complète le processus et le système.

2. Faire converger le management des talents avec la stratégie

Pour exécuter efficacement une stratégie, nous avons besoin de leaders avec des profils en correspondance avec la stratégie et les plans qui en découlent. Les dirigeants et futurs dirigeants qui vont assurer une forte croissance sur un marché porteur ne seront pas les mêmes que ceux qui doivent trouver des relais de croissance sur un marché stagnant avec des contraintes de contrôle des coûts. Peut-être avez-vous besoin des deux profils, voire d’autres qui correspondent à l’exécution de votre stratégie. En l’occurrence, la diversité des talents dans le vivier de nos futurs dirigeants devient vitale et fonctionne bien lorsque cette variété se rassemble autour d’une vision commune du devenir et des valeurs de l’entreprise.

Par ailleurs, comme nous le lirons plus loin, il est essentiel de faire la différence entre une personne performante aujourd’hui et une personne qui a un fort potentiel pour devenir dirigeant demain.

L’important est de commencer par les résultats à atteindre.

Des questions à se poser :

Votre stratégie est-elle claire pour tous vos collaborateurs ? Votre management des talents vous permet-il d’avoir les ressources clés au bon endroit pour exécuter votre stratégie ? Avez-vous observé un décalage entre le profil des personnes récemment promues et finalement les personnes qu’il faudrait pour assurer l’exécution de votre stratégie à moyen terme ?

Quelques points à vérifier avec votre équipe de direction :

  • Mes priorités stratégiques sont suffisamment claires pour définir les profils des talents nécessaires à leur exécution.
  • Les talents dans mon entreprise savent comment la culture d’entreprise doit évoluer.
  • Nous avons identifié les défis à relever par nos futurs dirigeants.
  • Les profils des futurs dirigeants sont clairement définis.
  • Nous avons des futurs leaders capables de nous challenger et trouver des voies nouvelles de développement.
  • Nous savons combien de dirigeants nous avons besoin maintenant, à 3 ans, à 5 ans.
  • Nous savons où les trouver en interne, combien nous en avons actuellement et combien nous devrons en recruter à l’extérieur.
  • Nous avons défini les implications financières et culturelles pour les trouver en interne et à l’extérieur de l’entreprise pour faire des arbitrages efficaces.

3. Revoir le contenu des différents viviers de talents pour répondre aux priorités stratégiques

Le management des talents n’est pas que le management des successions qui est essentiel pour la gestion des risques sur les postes clés mais trop réducteur en sortie de crise. Le management des successions amène souvent à un raisonnement de promotion au sein d’une même filière ou espace géographique, cloisonnant ainsi le déploiement des ressources clés et donnant peu de flexibilité. C’est ainsi qu’une filiale va se lancer dans un recrutement extérieur coûteux et risqué alors qu’une personne dans une autre filiale du groupe serait prête et motivée pour prendre ce type de poste.

En complément du management des successions, le management des talents s’appuie sur des viviers de talents dans lesquels l’entreprise a identifié le niveau de maturité des individus par rapport au niveau de responsabilité ciblée. Or, ces viviers ont souvent éclaté avec la crise.

Traditionnellement, les entreprises organisent leur vivier par grand niveau de responsabilité :

  • Futurs dirigeants
  • Futurs managers de managers
  • Futurs managers
  • Futur grands experts

Cela permet de différencier les investissements en fonction des cibles et des résultats à atteindre. C’est également un moyen pour créer de la transversalité dans l’entreprise.

C’est une approche à réactualiser avec l’internationalisation et les passerelles entre les métiers pour créer du nouveau et différenciateur sur le marché.

Des questions à se poser :

Dans quelle mesure les viviers dans votre entreprise reflètent-ils la nouvelle organisation issue de la crise ? Sont-ils en adéquation avec notre stratégie post-crise ? Si vous avez une structure pyramidale classique, avez-vous des équipes de direction musclées et agiles mais également un management intermédiaire efficace ?

Quelques points à vérifier avec votre équipe de direction :

  • Nous avons identifié les populations clés pour réussir l’exécution de la stratégie.
  • Nous avons identifié les points forts et les points faibles de notre pipeline de talents.
  • Nos viviers de talents sont suffisamment efficaces pour permettre une mobilité inter-filières ou inter-filiales ou internationales.
  • L’articulation entre les viviers permet d’assurer des promotions internes efficaces et d’accélérer le développement de Hauts Potentiels.

4. Fixer clairement les périmètres de responsabilités et l’articulation filiales/groupe concernant le management des talents : identification, développement et déploiement

Le management des talents dans certaines entreprises est le terrain de jeu de pouvoir important et de luttes intestines faisant perdre un temps précieux à tout le monde. Est-ce le cas dans votre entreprise ? Si oui, il a de grandes chances que la gouvernance sur le sujet du management des talents ne soit pas claire et cause des dégâts parfois difficilement réparables. La clarté sur la responsabilité et le mode de prise de décision à tous les niveaux de l’entreprise est d’autant plus critique qu’un nombre croissant de managers pilotent eux-mêmes leur carrière. Il est important pour le président de spécifier quel est le vivier de talents qu’il suit personnellement et qu’il soit exemplaire dans sa démarche.

Existe-t-il une gouvernance optimale du management des talents ? Revisitons les rôles traditionnels pour un management des talents efficaces.

  • Le dirigeant qui impulse ou valide la direction stratégique sur le management des talents, prend part aux réunions clés et communique sur le sujet.
  • L’équipe de direction ou une partie de l’équipe de direction qui définit avec le DRH les lignes stratégiques du management des talents et procède à une revue stratégique annuelle des talents.
  • Le directeur du management des talents qui pilote de façon opérationnelle le processus global avec un focus sur les résultats, qui établit un contact de confiance avec les dirigeants de filiales/business et qui fait le lien avec la direction de l’Université d’Entreprise ou équivalent.
  • Les relais aux niveaux des DG et DRH dans les filiales ou les lignes de métier.

Une question à se poser :

Est-ce que chacune et chacun dans votre entreprise a une compréhension précise du fonctionnement du management des talents, de l’attribution des responsabilités, des critères de mesure dans ce domaine et comment elle/il peut contribuer au succès de la gestion des personnes ?

Quelques points à vérifier avec votre équipe de direction :

  • Notre équipe de direction partage la même vision et compréhension de ce qu’est le management des talents dans notre entreprise.
  • Nos cadres dirigeants privilégient sans ambiguïté l’intérêt commun du groupe dans le management des talents
  • Les grandes lignes stratégiques du management des talents sont clairement définies.
  • Nous avons une direction responsable des aspects opérationnels et de l’atteinte des résultats.
  • Nous avons des indicateurs de performance consolidés à prendre en compte pour mesurer l’impact du management des talents.
  • Ces indicateurs sont intégrés/cascadés dans le management de la performance des managers.

5. Challenger nos équipes sur la différence entre performance, potentiel et maturité pour un poste

J’ai constaté encore de nombreuses confusions entre le potentiel d’une personne à accéder à un niveau de responsabilité beaucoup plus important, sa performance actuelle et son niveau de maturité par rapport au poste visé. Il en résulte que des individus très performants dans leur poste actuel sont promus rapidement, échouent et soient obliger de partir. C’est à la fois un échec pour l’individu et l’entreprise qui se prive d’une ressource performante.

Une question à poser ?

Mon entreprise est-elle bien outillée pour mesurer objectivement et de façon séparée la performance des collaborateurs, identifier leur potentiel de progression et évaluer le niveau de maturité par rapport au niveau de responsabilité ciblé ?

Quelques actions à entreprendre avec votre équipe de direction :

  • S’assurer que le système du management de la performance soit efficace
  • Outiller les dirigeants et managers pour les aider à identifier le niveau de potentiel des personnes qu’ils ont repérées.
  • Utiliser une méthode objective d’évaluation pour mesurer l’écart entre leur capacité actuelle et les capacités requises dans les postes cibles.
  • S’appuyer sur les données de l’évaluation pour définir des plans de développement et déployer les ressources efficacement
  • Éviter de se faire une opinion sur un individu à partir d’informations incomplètes. Si vous utilisez votre instinct, challengez-vous et complétez-le par des sources d’informations additionnelles.
  • Faire converger les pratiques sur le management des talents pour parler le même langage ; et éviter de passer à coté de « pépites » ou au contraire concentrer les efforts sur des personnes qui n’ont pas le potentiel de développement attendu au niveau du groupe.

6. Mettre en place un outil informatique pour avoir les bonnes informations

Sans informations objectives et directement disponible, il est difficile d’avoir une entreprise agile, capable de se redéployer rapidement en fonction de ces opportunités. Il en est de même pour nos talents que nos ressources financières.

Qu’est-ce qui nous intéresse ? Bénéficier d’un système qui nous permet d’avoir des informations quantitatives et qualitatives fiables, au moindre coût et évolutif dans son évolution.

Qu’est-ce que nous constatons souvent ? Des luttes intestines et non productives sur le choix d’un système avec des discussions portant plus sur le processus que sur les résultats qu’il doit produire. Est-ce nécessaire ? Parfois lorsqu’il faut lever des obstacles à la mise en place d’un processus mal défini ou pas assez approprié par les managers opérationnels et les fonctions support. Est-ce frustrant ? Pour de nombreux dirigeants, la réponse est oui.

Un point de vigilance : tout système ne remplacera jamais la connaissance fine des individus par les personnes en charge du management des talents et qui les suivent directement dans leur parcours de carrière au sein de l’entreprise.

Une question à poser ?

Disposez-vous d’informations fiables et objectives pour prendre les bonnes décisions ?

Quelques actions à entreprendre avec votre équipe de direction :

  • Vérifier si notre système est simple, efficace et ouvert.
  • Faire les liens avec les systèmes existants pour éviter la redondance ; particulièrement sur les informations chiffrées.
  • Être exigeant et pragmatique pour éviter la complexité inutile.
  • Faire comprendre que le système ne remplace pas la connaissance des individus par leurs managers ou la direction des talents. Rien ne replace la proximité avec les personnes.

7. S’impliquer à nouveau dans le développement de vos talents.

La crise a éloigné les équipes dirigeantes de leurs managers, y compris les DGRH qui ont plus travaillé avec leurs collègues du Comité de direction sur les transformations que sur la proximité. Les talents ont été également dans la tourmente avec un frein en 2009 sur la mobilité puis une accélération de celle-ci en 2010 avec peu d’accompagnement sur les transitions. Or, avec les réorganisations successives et les structures plates, les talents ont été amenés à prendre plus de responsabilités sans prendre le temps de les intégrer.

La situation est encore tendue. Toutefois, pour réussir la reprise, il est peut-être temps de vous réinvestir personnellement dans le développement de vos ressources clés.

Une question à se poser ?

Considérant la densité de votre agenda, où pouvez-vous personnellement porter votre attention pour maximiser votre temps ?

Quelques actions à entreprendre vous-même :

  • Vérifier que vous passer du temps utile et visible sur le management des talents. Sans votre impulsion et votre vision stratégique sur le sujet, vous vous enlevez une opportunité d’utiliser un levier clé pour attirer et fidéliser les personnes clés.
  • Soyez présent dans l’introduction des programmes de développement des cadres dirigeants et hauts potentiels.
  • Partager votre expérience sur le sujet sous forme d’histoires qui vont faire partie du référentiel culturel commun de l’entreprise.
  • Informez-vous sur les réussites de vos collaborateurs dans le domaine du développement des talents pour les mettre en exergue au moment venu selon votre style de leadership.

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