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Cycle  d’études 2013 :  « Le sentiment d’un chaos ou l’émergence d’un nouveau monde »

 

Pour Didier Pitelet, partenaire du Cercle du leadership, amené à introduire les débats, nous vivons aujourd’hui une crise de confiance : 77% des français pensent les politiques corrompus et plus de 67% d’entre eux ne croient pas en la parole de l’entreprise assimilée à de la langue de bois, à des stéréotypes.

 

Il existe une crise de « rupture de sens » entre le corpus sociétal et les élites.

  « C’est toujours la faute de l’autre »

Les causes sont multiples et à peu près  identifiées :

Le manque de projets d’horizon et d’espoir proposé par la classe dirigeante ; le sentiment que les dirigeants obéissent à des stéréotypes, qu’ils sont interchangeables ; l’hyper financiarisation des marchés qui engendre une société de l’avoir versus une société de l’être ; des organisations matricielles  schizophrènes qui diluent les responsabilités: « c’est toujours la faute de l’autre » ; la perte de la rigueur morale ; le culte de l’exécution qui s’impose : le process et la norme paraissent incompatibles avec la nécessaire prise d’initiatives notamment pour les plus jeunes générations ; l’hyper temps technologique : il faut répondre à tout en temps réel, or la plupart des hommes n’y sont pas suffisamment préparés.

 

Les grandes entreprises n’échappent pas à la règle. Du fait de leur taille et de leurs enjeux, elles exacerbent le plus souvent ce sentiment de désarroi ou de perte de sens.

 Elles semblent affectées par trois maux assez répandus :

Un  manque de cohésion des états majors : les egos, les querelles de frontières, la défense de pré-carré l’emportent le plus souvent sur la solidarité et la vision partagée.

Un manque d’agilité, de rapidité, de réactivité dans la prise de décision du fait d’un nombre trop important d’échelons hiérarchiques.

Un manque de lien direct et de considération entre la tête et le corps alors même que les nouvelles technologies le permettent et que les salaries le réclament

 «  Retrouver L’esprit PME »

Pourtant, dans certaines entreprises, la situation est supportable, mais on n’en parler peu et on ne valorise pas le travail de leurs dirigeants.

En effet, si l’entreprise est un lieu de malaise, elle est aussi un lieu d’opportunités. En temps de crise, chacun se révèle : le combattant, le résistant, le collaborateur, le suiveur. De cette situation de guerre peut également surgir le meilleur : solidité, partage, volonté commune, optimisme.

Dans les grandes organisations, l’esprit PME n’a pas toujours sa place alors que dans une PME, le comité de direction croit en la marque qu’il représente et l’agilité prévaut : People First + Client First.

Les hommes du patron doivent le suivre, sans grand discours et pour l’intérêt de l’entreprise car son entreprise, c’est sa vie, son CV. Ce leadership de confiance, c’est savoir « regarder dans le miroir » !

 « Le don de soi »

 La première qualité requise pour prétendre diriger dans la confiance est le « don de soi » pour pousser les autres à progresser. Il faut oser repenser l’entreprise comme un lieu de vie, voire de croyance.

La notion de « spiritualité d’entreprise » incarnée par « le parler vrai » et le leadership de confiance va totalement à l’encontre de la langue de bois en vigueur dans les rapports annuels publiés par les sociétés !

« l’amour du maillot »

 Exemplarité de la gouvernance qui vit son engagement : le manager transmet sa culture, son « amour du maillot » et transforme le salarié en militant de son projet.

Pour instaurer un leadership de confiance il faut réhabiliter le verbe Aimer et proposer de vrais séminaires de motivation, surtout pour les collaborateurs nés après 1995, la génération Z.

Chaque entreprise a sa feuille de route, sa marque, son ADN et doit en être digne pour les générations futures. Par exemple chez Michelin, la culture d’entreprise est une valeur prévalant sur toutes les autres.

Il faut construire un leadership de confiance autour de 7 grands piliers :

–        la marque

–        le leadership humain

–        la transparence

–        l’exemplarité

–        la tolérance

–        le partage

–        le respect

Le vent tourne en faveur de ce leadership de confiance ; demain les entreprises vont intégrer la génération née après 1995 et leur mode de vie, leur langage, leur appartenance à différentes tribus ne sont pas intégrables en l’état dans les organisations actuelles.

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Notre table ronde nous a permis d’entendre quatre chefs d’entreprise aux parcours et aux profils très divers :

 

Diaa Elyaacoubi est un entrepreneur.  Très vite après ses études elle se lance dans la création d’entreprise, car, «  le monde des grandes entreprises contraint trop mon esprit de liberté» dit-elle. Elle fonde e-Brands,  fournisseur d’accès sous marque blanche  qui devient leader européen d’accès internet avant d’être cédé à Vivendi. En 2004 elle fonde Streamcore Systems, destiné a optimiser les réseaux informatiques  qu’elle revend il y a quelques mois  à Orsyp… sans doute prépare-t-elle la troisième aventure…

Mais Diaa Elyacoubi met aussi son énergie au service des autres et fonde en 2003 le club « esprits d’entreprises » destiné à aider les jeunes créateurs d’entreprises et à promouvoir l’entrepreneuriat.

Elle pose sur sa réussite de femme, d’origine marocaine, un regard naturel,  comme s’il s’agissait d’une évidence, pourtant on sait que ce chemin n’est pas simple…

 

François Drouin symbolise l’excellence du parcours d’ingénieur à la française, X, Ponts, le Ministère de L’Equipement, puis la Caisse des Dépôts.  Bifurcation ensuite vers la banque comme Président la Caisse d’Epargne Midi Pyrénées d’abord, puis comme Président du Crédit Foncier.

Il dirige depuis cinq années Oseo. Il est aussi depuis quelques semaines Vice-Président de la Banque Publique d’Investissement nouvellement créée.

Mais François Drouin se définit avant tout comme «  un entrepreneur au service des entreprises ». Il connait parfaitement le tissu des PMI-PME qui sont à l’honneur aujourd’hui. Enfin, il est parfaitement à l’aise avec notre sujet du jour tant le leadership par la confiance fait partie de son ADN.

 

 

 

Philippe Ginestet est lui, un pur autodidacte. Il sait ce qu’avoir eu faim signifie   Il commence sa vie par vendre des aspirateurs sur les marchés et puis porté par une totale confiance en lui d’abord et dans les autres ensuite il a fondé  ce qui va devenir un formidable réussite industrielle, GIFI, distributeur de produits low cost pour la maison.

Aujourd’hui Gifi pèse un milliard d’Euros, 4500 collaborateurs, plus de 200 points de vente en France et à l’étranger. Le petit camelot est devenu grand !

Il n’aime pas parler en public. Il ne le fait jamais d’ailleurs en dehors de son entreprise.  Sa parole est donc d’autant plus précieuse et je le remercie d’avoir fait une exception pour nous ; chers amis, vos meilleurs applaudissements pour Philippe Ginestet.

 

Jean-Paul Béchu est un homme de vision. Il comprend dès le début des années 90 les enjeux d’Internet : le potentiel de développement pour les marques, mais aussi les risques qu’elles encourent si elles ne protègent pas leur nom et il crée Nameshield, société de protection et de valorisation de marques sur internet. Sa croissance est régulière. Il commence aujourd’hui à racheter ses concurrents, ce qui est toujours bon signe, mais il se définit toujours comme un artisan, dont le seul moteur sont les hommes.

Il  ne cache pas son engagement chrétien. Il préside le mouvement des scouts unitaire de France. Il a également crée un fond de dotation, Esperancia, destiné à soutenir des projets éducatifs, pour dit-il « donner du sens à son travail et à celui de ses collaborateurs »,  fond dans lequel il verse une partie de ses dividendes.

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Nous avions tout d’abord envie de savoir comment ces quatre dirigeants avaient découvert et fondé leur propre leadership, quel en avait été le moteur et sur quelles valeurs il reposait.

Leurs  réponses,  malgré des parcours si divers, est d’une étonnante similitude :

 « Le leadership que l’on possède se découvre très tôt dans la vie, à travers des faits ou des actes d’une banalité presque confondante »

François Drouin, étudiant en « prépa », a été un jour investi par les autres de l’organisation de la fête de son Ecole. Il s’est alors malgré lui trouvé propulsé à un niveau de responsabilité qu’il ne croyait plus jamais retrouver dans sa vie et a découvert des vertus qu’il ne se connaissait pas.

Diaa Elyaacoubi a découvert assez vite qu’elle etait un « émetteur » et non un « recepteur »  ; elle avait une capacité naturelle a influencer son  entourages plutôt qe de le subir autres.

Jean-Paul Béchu a pris conscience plus tôt encore de son ascendant sur les autres, dans la cour de récréation, par sa propension à gagner « les billes et les calots »…

« Mais les moteurs peuvent été différents : le besoin d’amour, le goût de la liberté, l’urgence de sortir de la pauvreté »

Diaa Elyaacoyubi s’est très vite rendu compte que l’entreprise restreignait trop son désir d’initiative.  Créer une entrepise lui a finalement paru moins compliqué que de gravir patiemment les échelons qui mènent aux fonctions de direction ; le besoin de liberté a été son moteur pour construire son leadership.

Philippe Ginestet avait, quant à lui tout simplement besoin de sortir d’une situation modeste et de prouver à ses parents, dès 15 ans,  qu’il pouvait gagner sa vie. mais l’échec  guettait  jusqu’à ce qu’il trouve un « mentor » pour l’aider,  un homme qui lui a fait confiance alors  qu’il etait un priètre vendeur. Philippe Ginestet n’a eu de cesse ensuite de rendre cette confiance qu’on lui avait donnée. la confiance reçue et la confiance donnée  ont été ses moteurs.

Jean Paul Béchu, enfant sans parents, avait besoin de se construire une identité. dès lors il a très vite éprouvé la nécessité du succès pour satisfaire un besoin de plaire et de séduire.

« Enfin, les valeurs sur lesquels il repose  sont avant tout humaines »

Des mots très proches reviennent en boucle dans la bouche de nos invités.

Un leadership de confiance se construit sur l’authenticité, la capacité à rester soi, à ne pas singer des postures convenues, (François Drouin),

C’est être sincère, faire parler ses émotions, l’inverse d’être lisse, c’est avoir « des tripes et du drive », c’est créer du lien et un retour d’enthousiasme (Diaa Elyaacoubi).

C’est partir à l’aventure avec courage  et vouloir rencontrer les autres (Jean-Paul Béchu).

C’est avant tout et en toute circonstance « parler vrai »  (Philippe Ginestet).

 

 

 

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 Chacun a pu ensuite au cours d’échanges avec l’assistance  exprimer sa vison d’un leadership de confiance.

  « Etre un leader, c’est lâcher prise »

Pour François Drouin il n’existe que deux sortes de dirigeants,  celui qui libère  et élève ses collaborateurs avec le partie pris de la confiance  et l’acceptation des risques qui en découlent  et celui qui contraint et écrase pour maintenir son autorité, sans prise de risque ;   prenant une métaphore il dit qu’ il préfère  éteindre, si nécessaire  le feu sous la marmite lorsque  l’eau déborde, plutôt que d’avoir  a rallumer le feu en permanence face à des collaborateurs  attachés au seul respect de la norme. Le « lâcher prise » est son maitre mot.

« Faire la fête, partager »

Pour Philippe Ginestet, l’entreprise doit savoir se donner des moment de partage « hors cadre », respirer, en un mot, faire la fête ». Gifi, s’est construite sur cet état d’esprit familial et sur la proximité permanente entre la tête de l’entreprise et les collaborateurs. Il revient sur sa valeur essentielle, la capacité à parler à ses collaborateurs comme on parle à ses clients et à ses actionnaires : un seul langage en toute circonstance.

 

 

 

« Saisir les opportunités »

Diaa Elyaacoub parle de capacité à saisir les opportunités en permanence ; à être résilient, à convertir ses erreurs en expérience, à construire  de façon pragmatique. Le  rôle du leader est de parvenir à créer cet état d’esprit autour de lui. Elle insiste aussi sur l’importance de célébrer les petites victoires entre les collaborateurs.

« Prendre les gens comme ils sont » 

Enfin, Jean-Paul Béchu insiste sur la capacité à prendre les gens comme ils sont. Il nous expose qu’on peut parfaitement  construire une entreprise avec des gens qui ne sont pas nécessairement les meilleurs,  dès lors qu’on s’attache à les connaître, à mesurer leurs  capacités ou leurs limites et qu’on leur donne les marges de liberté adaptées à leurs  capacités.

 

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Robert Weisz,  Ancien Directeur   de l’IAE d’Aix nous a fait l’amitié de saisir à chaud ce qu’il a retenu du débat du jour.

 

 

Il a été traité de la confiance dans le leadership en tant que somme de temps et de sens. De la pérennité nait l’espoir que le rêve va se réaliser.

Le phénomène de résilience montre que face à l’expérience d’un échec on veut prouver que l’on existe et que l’on a de la valeur.

Le sens est la marque de l’entreprise, sa fierté et son ambition, ce qui l’identifie.

Le leadership de confiance en tant qu’humain et émotionnel s’oppose à l’expertise. Le relationnel est un rapport de proximité sans barrière hiérarchique ou de statut. Le leadership de confiance se fait sur le même niveau et réduit les obstacles au partage.

La priorité est à donner aux gens ; le leader se dévoile dans des rapports sincères avec son caractère, ses tripes, ses convictions :

  • Don de soi
  • Parler vrai
  • Sans masque
  • Traiter les erreurs avec les gens
  • Balayer les distances

En définitive, le leadership de confiance est un être d’amour qui partage l’amour avec les autres.

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Propos recueillis par Robin Sauvageot, MBA IAE d’Aix et par Philippe Wattier.

 

Photos : Cyril Ananiguian.  Cyrilananiguian@yahoo.com

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