Lorsqu’il voit partir un de ses proches au travail un Nord-Américain -un Canadien en particulier- a coutume de lui dire : Enjoy !

Dans la même situation, un Européen -en particulier un Français- lui dira : Bon courage !

Cette simple boutade illustre le fossé qui existe entre ceux qui voient dans le travail une source d’épanouissement individuel et ceux qui le tiennent pour une épreuve à affronter. Ou encore entre ceux qui voient la bouteille à moitié pleine et ceux qui prétendent qu’elle est désespérément à moitié vide.

Où sont les causes de ce désenchantement qui semblerait affecter nos vieilles sociétés latines, tandis que les pays du nouveau monde ne verraient  dans le travail que des sources de bonheur et de profit ?

On pourrait les rechercher dans nos racines catholiques qui érigent le travail en devoir et exalte les vertus de la pénitence, là où d’autres religions se sont depuis longtemps affranchies du tabou de l’argent et de la réussite, mais je laisse ce terrain à d’autres plus éminents spécialistes. J’observe plus prosaïquement que l’Europe -la vieille  Europe- a perdu son aura managériale progressivement au cours du XXème siècle et que ceci n’est sans doute pas uniquement affaire de religion.  C’est de mon point de vue une affaire d’aveuglement dans la manière de commander. Nous nous obstinons à ne pas le voir, mais nous ne sommes plus, en cette matière comme en d’autres, le phare qui éclaire le monde. Nous  avons tout d’abord perdu ce leadership au profit du continent Nord Américain, mais à peine sommes-nous en train d’en prendre conscience que celui-ci se déplace à l’autre bout de la planète, en Chine bien sûr, mais aussi …. en Inde !

Il s’appelle Vineet Nayar ! C’est un petit homme rond d’une cinquantaine d’années, à la moustache un peu démodée, qui se présente modestement et qui parle l’anglais d’une voix douce en roulant les R. Il est Indien, il est le Président de HCL technologies qu’il a érigées parmi les cinq sociétés mondiales les plus influentes d’après le très sérieux Businees Week.

Il fait partie du club très fermé des « Thinkers 50 »  et ses idées sont considérées comme les plus novatrices et les plus en pointe par Fortune ou par  London Business School. Il est l’auteur d’un livre de management qui est primé dans tous les pays où il est traduit

[i]

En substance que nous dit-il ?  Précisément il nous dit : Enjoy !

Sa théorie est on ne peut plus simple : il faut placer l’employé au sommet des préoccupations de l’entreprise. Un employé bien servi par ses dirigeants et par les fonctions support est un employé épanoui, il sera le meilleur vendeur de l’entreprise, de son image, de ses produits  car le matin en partant au bureau il saura que c’est lui le maillon le plus important de l’entreprise. Enjoy !

 Le leadership de masse

Vineet Nayar  ne se contente pas de théorie. Il met cela en application.

Deux exemples parmi de nombreux autres :

Les directeurs sont notés par les salariés (le fameux 360 degré),  cela est rare certes,  mais n’est pas unique. Par contre ce qui l’est, c’est que les résultats de ces notations figurent en bonne place sur l’intranet de la société.

Lorsque vous êtes candidat à un poste chez HCL, le premier homme que vous rencontrez est le Directeur du recrutement. Normal ! Or cet homme est un handicapé  lourd. Chez HCL le combat de la diversité est déjà gagné.

Résultat : HCL a multiplié son bénéfice par trois en quatre ans et a multiplié son nombre de clients par cinq sur la même période. Le taux de satisfaction des employés au travail dépasse 70 %. Vineet Nayar n’est pas un doux rêveur c’est un businessman.

Au pays des castes et des intouchables,  un homme, une entreprise, ont bâti le modèle le plus anti-hiérarchique et le plus audacieux qui soit : le leadership de masse ! Cela  donne à réfléchir, y compris à nous- même, qui avons une vision parfois élitiste de notre leadership.

Cela prouve en tous cas qu’il est toujours possible de bouger les lignes.

Enjoy !

 

Philippe Wattier- Novembre 2012

Partenaires du Cercle :

Bic - BCPE - Mckinsey - Tinyclues - Veolia Environnement - Manpower - Mazars

 

 



[i]  Employees first, clients second,  turning conventional management upside down (Harvard Business Press. 2010), paru en France sous le titre « les employés d’abord, les clients ensuite », Editions Diateino (mai 2011)