Les stratégies de redéploiement rapide face à la crise

Invité d’honneur François Pérol Président de BPCE

285-François Pérol Président de BPCE

Débat modéré par Jakob Haesler Directeur associé McKinsey & Company

A travers une série d’exemples – dont la fusion éclair Caisse d’Epargne-Banque Populaire n’est pas le moindre – ce débat a permis d’observer la manière dont certaines entreprises ont su en un temps record adapter leur stratégie et modifier leurs schémas habituels pour faire face à la crise actuelle ; il a montré le rôle et le comportement des équipes dirigeantes dans ces adaptations express et a permis de tirer quelques enseignements sur nos propres pratiques.

François Pérol, nouvellement nommé Président de BPCE, a mis en exergue les éléments qui ont permis d’accélérer le processus de fusion entre les Caisses d’Epargne et les Banques Populaires.

Il a tout d’abord indiqué que ce processus était préparé de longue date car il répondait à une véritable logique industrielle entre deux grandes banques du monde coopératif face aux exigences de concentration qui a depuis longtemps été engagé par le monde bancaire. Maintes fois la faisabilité de ce rapprochement avait été évoqué – et ce depuis de longues années- mais autant de fois il avait été différé car il y manquait sans doute une volonté politique forte et un environnement propice.

310-François Pérol et François Eyssette

« Dans une fusion l’œil neuf et neutre venant de l’extérieur est un gage de succès »

La première tâche qu’il s’est donc donnée en arrivant dans le groupe a été de s’engager pleinement dans le processus en mettant les deux entreprises – et notamment leur management supérieur- sous tension et en imposant un calendrier de fusion très serré.

Il est en effet plus facile pour un dirigeant venant de l’extérieur d’engager un processus de cette nature car dans une fusion entre égaux (très différente d’un processus d’acquisition ou d’absorption), les dirigeants des deux entreprises concernées sont, pour de raisons évidentes et parfaitement légitimes, écartelés en permanence entre leur désir d’aboutir et celui de défendre les intérêts de leur propre structure, ce qui ne rend pas la tâche objectivement facile.

L’oeil neuf et neutre du dirigeant extérieur est un gage de succès qu’il faut savoir utiliser car cela donne une liberté d’action que les autres dirigeants ne peuvent avoir.

« Une bonne idée qui ne se fait pas vite est une mauvaise idée »

La rapidité d’action est le deuxième élément clé du succès d’une fusion. Le processus doit être conduit avec un maximum de rapidité quitte à ne pas suivre scrupuleusement toutes les étapes. A trop vouloir les respecter on échoue.

Ce point ne manque pas de surprendre en général, notamment les Instances représentatives du personnel qui sont-comme il est normal- consultées en pareille occasion et qui on du mal à admettre que toutes les conséquences possibles d’une fusion en termes de résultats ou que toutes les synergies possibles ne figurent pas au dossier. Elles y voient souvent des intentions machiavéliques ou cachées alors que la vérité oblige à dire que dès que les fondamentaux de la fusion sont réunis -et en l’espèce ils l’étaient depuis de nombreuses années- il faut foncer quitte à ce que les synergies et la stratégie d’ensemble qui en découlera, ne soient pas encore totalement stabilisées.

Ce point est d’autant plus important en temps de crise. La crise a un effet accélérateur sur le temps. Chaque jour compte. L’incertitude devient le seul horizon perçu. Le meilleur moyen de surmonter ces difficultés est de bouleverser les schémas habituels et de se renforcer sans état d’âme. C’est bien l’objectif Numéro 1 d’une fusion que de renforcer chacune des entreprises qui la constituent, ne serait ce que par la mutualisation des moyens qu’elle engendre.

282-François Pérol et Laurent Choain

« J’ai consacré l’essentiel de mes six premières semaines au choix des hommes »

Le troisième élément clé de la réussite de cette fusion a résidé dans le choix de l’équipe dirigeante. François Pérol estime qu’il a consacré l’essentiel de ses six premières semaines d’activité aux choix humains.

Même si l’on ne peut jamais former l’équipe idéale, il faut déployer toute son énergie à choisir l’équipe la plus proche possible de ce que l’on croit utile pour l’entreprise. Cela suppose des choix, parfois délicats. En l’occurrence le souci a été de donner leur place à ceux des dirigeants des deux groupes qui avaient une légitimité interne reconnue au delà de leur seule entreprise, et de faire appel à l’extérieur pour éviter une trop grande consanguinité et pour amener une expertise en matière de conduite de fusion.

Les talents externes qui ont été appelés l’ont été pour leur capacité à maitriser des processus de conduite du changement car ils avaient dans leurs missions précédentes déjà assuré le succès de fusions de même nature.

« Mon leadership personnel est avant tout un leadership d’exigence,de partage et de cohérence »

A la question de savoir quelles étaient les éléments clés de son propre leadership François Pérol a précisé que celui-ci était fait d’exigence, envers lui-même et envers ses collaborateurs ; de sens du partage et de capacité à partager les succès et les erreurs avec ses collaborateurs les plus proches ; et à insister sur la nécessité de tenir un discours cohérent qui soit identique quel que soit l’interlocuteur.

Un œil neuf et neutre qui permet d’agir avec un maximum de liberté et de recul ; l’utilisation du facteur temps –exacerbé par la crise- comme élément d’accélération des processus de décisions ; la priorité donnée au choix des hommes et des femmes en mixant des personnes venant de l’extérieur et des managers des deux entités concernées. Un leadership fait d’exigence, de partage et de cohérence dans les discours…tels sont les éléments qui selon François Pérol ont permis à la fusion Caisse d’Epargne Banque Populaires de se réaliser en un temps record.

277-Jakob Haesler et Georges Desvaux (Mckinsey)

A la suite de cette présentation, Jakob Haesler et Georges Desvaux, directeurs Associés au bureau de Paris Mckinsey & Company ont présenté les résultats d’une étude sur le leadership en temps de crise menée auprès d’environ 1000 entreprises à travers le monde. Plusieurs points saillants de l’étude ont été mis en exergue :

• Lorsqu’on les interroge sur les principaux atouts d’une organisation pour faire face à la crise, les dirigeants d’entreprise privilégient deux réponses, le leadership, c’est-à-dire la capacité pour les dirigeants à inspirer et à développer chez leurs collaborateurs les actions qui détermineront une meilleure performance, et la direction, c’est-à-dire la capacité à exprimer les points forts de l’entreprise et à concentrer les actions des collaborateurs sur ces derniers.

« Il semble y avoir une contradiction entre le désir des dirigeants d’inspirer la direction que doit prendre l’entreprise et les actions concrètes menées en période de crise. »

• Lorsqu’on observe les comportements effectifs des dirigeants en période de crise on s’aperçoit pourtant de certaines contradictions : en particulier, les dirigeants ne consacrent pas l’énergie attendue par leurs collaborateurs à inspirer leurs actions. De ce point de vue, leur attitude est même en retrait par rapport à l’avant-crise (graphique 2). D’une manière générale les réponses à cette même question montrent clairement qu’en temps de crise, les dirigeants font preuve de davantage de frilosité qu’en temps ordinaires sur tous les grands thèmes du management, sauf sur un point : celui de mesurer les performances individuelles des collaborateurs.

• Lorsqu’on évalue les principales évolutions des comportements managériaux des dirigeants depuis le début de la crise, on s’aperçoit qu’ils sont en retrait sur la plupart des points : moins d’engagement pour former, inspirer, faire participer, définir les rôles, encourager les risques, gratifier… le seul item significativement en progression est celui consistant à adopter un mode de communication convaincant.

« Juste discuter ? »

• A la question : « quelles actions spécifiques avez-vous menées pour motiver vos collaborateurs depuis le début de la crise ? », les réponses font ressortir l’importance de discuter avec ses équipes des orientations et des résultats de l’entreprise.

• Les contradictions mises en évidence dans les questions précédentes débouchent inévitablement sur des écarts entre, d’une part, la perception qu’ont les dirigeants de leur propre leadership et, d’autre part, celle de leurs propres collaborateurs. Si environ 3 dirigeants sur 4 sont satisfaits de leurs propres performances en la matière depuis le début de la crise, seul un collaborateur sur 2 leur reconnaît cette réussite.

«L’incertitude : principal facteur de stress du dirigeant.»

«La pression sur les effectifs : principale facteur de stress pour le middle management. »

• Enfin, le dernier élément de l’enquête porte sur les facteurs qui sont les plus difficiles à gérer depuis le début de la crise. Il ressort que pour les dirigeants, c’est l’incertitude générale sur le climat affaires qui est le point le plus difficile. Pour le middle management qui subit se plein fouet la pression de cette crise, les points les plus difficiles à surmonter sont la répétition des plans de réduction d’effectifs, ainsi que l’accroissement de leur propre travail et l’affaiblissement de leur rôle..

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