Beyond Performance

how organisational health delivers

ultimate competitive advantage

(Au-delà de la performance, la bonne santé de l’organisation constitue l’ultime avantage concurrentiel)

Invité d’honneur :

Colin Price

Colin Price
Directeur Associé Senior au bureau de Londres de McKinsey & Company
Leader mondial du pôle de compétences Organisation

 

Dans un environnement qui évolue toujours plus vite, les organisations doivent plus que jamais optimiser leur performance. Pour y parvenir, elles ont besoin de leaders capables de leur faire atteindre l’excellence, mais aussi de les y maintenir dans la durée.

A l’issue de 8 années de recherches portant sur un échantillon de 500 entreprises réparties dans 170 pays, Colin Price a acquis une vision globale de la transformation des organisations, qu’il a exposée dans son livre « Beyond Performance », co-écrit avec Scott Keller, Leader du pôle de compétences Organisation de McKinsey & Company sur le continent américain. C’est cette analyse que notre invité d’honneur, psychologue de formation, est venu nous présenter.

Pour Colin Price, une organisation ne peut exceller dans le long terme que si ses leaders se préoccupent autant de sa santé que de sa performance. Cette « santé » peut se définir comme la capacité d’une organisation à s’aligner sur un objectif, à mettre en œuvre sa stratégie et à se renouveler plus rapidement que ses concurrents. Le concept recouvre ainsi toutes les mesures à prendre aujourd’hui pour pouvoir être performant demain.

I. Les organisations sont perpétuellement en évolution

Quelle est l’invention la plus importante dans l’histoire de l’humanité ? Nos membres on pensé à la roue, à l’écriture, aux antibiotiques…et bien sûr, au vin français ! Mais pour Colin Price, il s’agit de la capacité de l’espèce humaine à s’organiser. Comme l’énonçait le célèbre théoricien du management Peter Drucker en 1954 : « la raison d’être d’une organisation est de permettre à des hommes ordinaires (« et des femmes », aurait-il sûrement ajouté aujourd’hui) de faire des choses extraordinaires ».

Les organisations sont des institutions humaines qui évoluent à travers le temps. En se développant, elles acquièrent une identité que l’on appelle leur culture, et cette culture peut être plus ou moins attirante – ou repoussante – pour les individus extérieurs. Lorsqu’elles entrent en interaction, les organisations forment ce qu’on peut appeler un écosystème, et chaque écosystème évolue au gré de ses échanges avec d’autres écosystèmes. Enfin, au niveau macro, l’ensemble de ces écosystèmes constitue ce qu’on appelle une économie. Cet ensemble d’acteurs économiques évolue et s’adapte constamment.

Les organisations sont aujourd’hui confrontées à quatre réalités. D’abord, la concurrence ne porte plus tant sur la taille et la stabilité que sur l’innovation et le changement. La taille n’est plus le principal moteur de la création de valeur, comme le montrent les exemples de Google, Facebook ou LinkedIn. Ensuite, la « destruction créative » décrite par Joseph Schumpeter continue de faire rage, entraînant par le fond de nombreuses entreprises. La récente récession a ainsi eu des conséquences désastreuses pour beaucoup. Troisième réalité, 70 % des transformations d’entreprise se soldent par un échec – une proportion remarquablement stable dans le temps.

Mais la dernière réalité, plus encourageante, est que malgré toutes ces difficultés, il y a des entreprises qui parviennent à se réinventer. Pour Colin Price, cette capacité à évoluer est l’essence même de l’avantage compétitif. C’est ainsi que dans chacun des 29 secteurs analysés par McKinsey, au moins une entreprise a été durablement plus performante que ses concurrents.

II. L’excellence exige d’aller au-delà de la performance

Pour Colin Price, ce niveau d’excellence ne peut être atteint en visant uniquement la performance. Après avoir contribué à faire de la « création de valeur pour l’actionnaire » la pierre angulaire de la gestion depuis les années 1980, Jack Welch, l’ancien patron emblématique de General Electric, a lui-même estimé il y a deux ans que c’était « l’idée la plus stupide au monde ».

En réalité, les meilleures organisations sont celles qui accordent une égale importance à leur performance et à leur santé. Comment définir la santé d’une organisation ? Pour Colin Price, ce concept reflète la capacité d’une organisation à s’aligner sur un objectif unique, à mettre en œuvre sa stratégie avec efficacité, et à s’adapter aux évolutions de son environnement. Parmi les neuf caractéristiques qui concourent à ce résultat, le leadership est celle qui est la plus étroitement corrélée à la réussite économique.

Colin Price a testé statistiquement la relation entre la santé des 500 entreprises de son échantillon, telle que perçue par leurs dirigeants, cadres et employés, et 19 indicateurs de performance. Sa conclusion : les entreprises en bonne santé (c’est-à-dire dans le quartile le plus sain au sein de leur secteur) ont deux fois plus de chances d’être durablement plus performantes que leurs concurrentes. En d’autres termes, la santé explique environ 50 % de la surperformance à long terme. Cette relation se retrouve dans tous les champs d’activité, du raffinage pétrolier au secteur hospitalier.

III. Les 5 conditions pour une bonne santé

Hélas, la santé des organisations a tendance à se dégrader si l’on ne s’en préoccupe pas. Colin Price a étudié la façon dont certaines entreprises parviennent à exceller dans la durée : elles accordent autant d’importance à leur santé qu’à leur performance, et elles savent répondre à ces cinq questions avec la même rigueur en matière de performance et de santé :

1. Où voulons-nous aller ?

Sans surprise, les données étudiées par Colin Price montrent qu’avoir une stratégie bien définie est une condition essentielle pour être performant. Il en est de même pour la santé. Il est en effet crucial pour une organisation de savoir se regarder dans le miroir pour faire le point sur son état de santé. De plus, en analysant les entreprises qui excellent, Colin Price a identifié 4 façons d’être en bonne santé : façonner les tendances de marché, comme Procter&Gamble ; exceller dans l’exécution, comme Exxon ; développer des compétences de leadership très fortes, comme General Electric ; ou s’appuyer sur un base de compétences de haut niveau, comme Novartis. Pour Colin Price, essayer de poursuivre ces 4 objectifs en même temps aboutit à n’en atteindre aucun : il est donc essentiel de se fixer la bonne aspiration en matière de santé.
Interrogés, grâce au système interactif BLUE de McKinsey, sur le profil auquel correspond leur entreprise aujourd’hui, voici comment nos membres ont répondu :

Colin Price

Interrogés ensuite sur le profil que leur entreprise devrait viser, nos membres ont répondu ainsi :

Colin Price

D’après les données étudiées par Colin Price, le profil le plus difficile à atteindre est celui du leadership, suivi par la base de compétences, les tendances de marché et enfin l’exécution. Quant au changement de profil le plus difficile à réussir, il s’agit statistiquement de celui qui mène de l’excellence dans l’exécution à la capacité de façonner les tendances de marché. Mais l’essentiel pour une entreprise est de savoir avec certitude quel profil de santé elle veut adopter. C’est le cas des 30 % qui excellent dans la durée. Par contraste, les autres se contentent d’une vague volonté d’être en bonne santé, sans pouvoir définir précisément comment cela doit se traduire.

2. Sommes-nous prêts à y arriver ?

Pour illustrer les obstacles psychologiques qui peuvent empêcher les organisations de se transformer, Colin Price évoque le cas de Roger Bannister, l’athlète qui fut le premier à courir la distance d’un mile (1,609 km) en moins de 4 minutes, en 1957, alors que beaucoup de médecins considéraient alors qu’il était humainement impossible de le faire. Alors que des dizaines d’autres athlètes s’étaient heurtés au mur des 4 minutes depuis des décennies, l’exploit de Bannister a montré que c’était possible, et à la fin de l’année 1957, pas moins de 16 autres coureurs avaient couru le mile en moins de 4 minutes. Pour Colin Price, cet exemple montre que la première condition pour transformer un comportement est de modifier l’état d’esprit qui le sous-tend.

Appliqué à une organisation, il s’agit de modifier les états d’esprit susceptibles d’entraver la transformation, et notamment l’évolution vers l’un des profils de bonne santé. Interrogés sur ce qu’il faudrait changer en priorité dans l’état d’esprit de leur organisation, 6 de nos membres ont mentionné la nécessité de sortir de la logique des silos, et 4 autres ont souligné le besoin de mieux collaborer. Parmi les autres réponses, on notera les impératifs de responsabilité et de confiance.

3. Que devons-nous faire pour y arriver ?

Comme tout plan de transformation, l’atteinte d’une bonne santé nécessite de créer un contexte propice. Pour ce faire, les organisations peuvent actionner quatre leviers complémentaires : le fait de communiquer une vision convaincante sur le sens et les objectifs de la transformation, la mise en place de mécanismes de renforcement des attitudes positives, la construction des compétences nécessaires au changement, et la présence d’individus servant de modèles. À noter que pour les psychologues, ce dernier levier est aussi puissant que les 3 autres réunis.

Interrogés sur le levier qui leur semble le plus faible au sein de leur organisation, nos membres ont répondu ainsi :

Colin Price

L’une des méthodes utilisées par les meilleures organisations est d’intégrer des actions permettant de renforcer leur santé aux initiatives qui visent à améliorer la performance.

4. Quel type de management devons-nous adopter ?

Lorsque l’on demande à 100 personnes au sein d’une même organisation de citer 10 priorités, on peut en obtenir entre 10 (si chacun cite les mêmes) et 1000 (si personne n’est d’accord sur rien). Or, selon les travaux de Colin Price, le résultat moyen est de…922 ! Même si toutes ces initiatives sont valables, prises isolément, leur prolifération mène en général à l’échec.

Pour éviter ce problème, il est utile d’adopter une approche structurée selon trois niveaux. Le premier niveau consiste à faire émerger une vision globale de la position actuelle de l’organisation et de la transformation recherchée, afin de favoriser l’alignement de tous sur un objectif commun. Quant au niveau 3, il englobe toutes les actions spécifiques, qu’elles concernent la performance, la santé, ou les deux. Au milieu, le niveau 2 est constitué par les grands thèmes du changement, comme la collaboration, la responsabilisation ou l’attention au client. Généralement au nombre de 5 à 8, ces thèmes donnent du sens aux actions spécifiques en les reliant à la vision globale.

Interrogés sur le niveau qui représente le plus gros défi pour leur organisation, nos membres ont répondu ainsi :

Colin Price

5. Comment le leadership peut-il créer l’élan nécessaire au changement ?

Colin Price souligne à quel point la position de leader est inconfortable. Les cadres dirigeants d’entreprise sont ainsi l’une des professions les moins respectées par la population, juste devant les vendeurs de voiture, mais après les avocats. C’est là une réalité à laquelle il faut se confronter si l’on veut être capable de conduire la transformation de son entreprise.

A l’issue de ses travaux, Colin Price a conclu que la qualité essentielle du leadership était l’authenticité. Cette conclusion se rapproche de celle de Jim Collins, l’auteur de « Good to Great » (« De la performance à l’excellence », 2001). En fait, les leaders qui réussissent à transformer leur organisation se distinguent de ceux qui échouent non pas par les actions qu’ils entreprennent, mais par l’authenticité avec laquelle ils agissent. En d’autres termes, il est essentiel de croire profondément au changement que l’on veut conduire pour convaincre et entraîner ses collaborateurs.

De façon plus concrète, Colin Price a étudié les mesures prises par les organisations pour enrichir et renforcer leur leadership. Il ressort que la formation et le développement professionnel sont importants, mais pas autant que la structuration des postes de dirigeant, la rotation entre les fonctions et l’affectation à des projets différents.

IV. Evoluer plus rapidement que la concurrence

Colin Price évoque l’exemple d’une entreprise qu’il a conseillée, et qui voulait passer du profil de santé caractérisé par l’excellence dans l’exécution à celui caractérisé par la capacité à façonner les tendances de marché. Parmi les priorités citées par ses dirigeants, cadres et employés, l’attention au client n’occupait au départ que la 28ème position. En quatre ans, cette préoccupation a pu être hissée à la première place, ce qui montre qu’il est possible de modifier en profondeur l’état d’esprit d’une organisation et d’améliorer sa santé. Cela demande du temps et de la détermination, comme pour un humain, qui doit pour cela bien manger, bien dormir, faire du sport etc. Mais c’est le seul moyen de s’adapter volontairement, avant d’y être contraint par une situation de crise. Comme l’expliquait Gary Hamel, le célèbre professeur de la Harvard Business School qui a préfacé le livre de Colin Price : « un plan de redressement est une transformation tragiquement retardée ».

Compte-rendu rédigé par Benjamin Jullien sous la supervision de Pascal Baumgarten (McKinsey Paris)

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